Monsieur de Beaumarchais n’est ni ce qu’on a cru qu’il fut ni seulement ce dont on se souvient qu’il a été. Il doit le nom de Beaumarchais sous lequel il est passé à la postérité à la terre que possédait la veuve d’un certain Franquet, auquel il acheta en 1755 une charge de contrôleur de la maison du roi. Il épousa la veuve qui le laissa lui-même veuf dès 1757. Son père André-Charles Caron avait été reçu maître horloger, après avoir abjuré en 1727 sa foi protestante. Pierre Augustin est son seul fils, entouré de cinq sœurs. Ni son apprentissage dans l’atelier paternel, ni des études sommaires, ni sa passion de la musique ne suffisent à satisfaire son ambition. C’est pourtant par la musique que, dès 1759, il devient proche des filles du roi que l’on appelle Mesdames et auxquelles il donne des leçons de harpe. La charge qu’il achète la même année grâce à l’entregent du financier Pâris-Duverney lui confère la noblesse et lui permet d’entrer dans le monde des finances et des affaires. Il commence, en 1764, à s’acquitter en Espagne, sous prétexte de mariage, de missions qui passent pour secrètes et qui sont à demi-officielles. Il ne se remarie pourtant qu’en 1768 à Geneviève-Madeleine Watebled dont il a un fils et une fille. Mais, en quelques années, sa femme, sa fille et son fils meurent. Les drames dont il est l’auteur et qui sont joués à la Comédie-Française (Eugénie en 1767 et Les Deux Amis en 1770) lui valent une certaine notoriété. C’est le procès qui l’oppose au comte de la Blache, héritier direct de Pâris-Duverney, qui lui vaut la célébrité. Beaumarchais perd un procès qui achève de le déposséder de l’importante somme que lui a léguée Pâris-Duverney ; il n’hésite pourtant pas à porter plainte contre le juge Goëzman qu’il accuse de corruption. De blâme en mémoire, l’affaire qui aurait pu valoir les galères à Beaumarchais se termine en 1778 par un arrêt qui lui donne raison et avec la gloire. Dans les mêmes années du procès, il a rencontré Thérèse de Willer-Mawlas dont il a une fille en 1775 et qu’il épouse en 1786. En 1777, il a fondé la Société des auteurs dramatiques. Il a parcouru l’Europe, de l’Angleterre à l’Autriche et est soupçonné, ici et là, d’être espion. Il entretient, en effet, une correspondance avec le ministre des Affaires étrangères du roi qu’est Vergennes. Fasciné par le désir d’indépendance qui est celui des insurgents aux Etats-Unis, il fonde en 1778 une compagnie qui leur envoie des secours. Il n’hésite pas à armer une flotte, dont plusieurs navires sont coulés par les Anglais, pour mener à bien son entreprise. Son activité ne cesse pas. Il publie à Kehl, de 1783 à 1790, une édition des œuvres de Voltaire. En 1775, Le Barbier de Séville a été donné à la Comédie-Française.
Le Mariage de Figaro, terminé dès 1778, n’est donné enfin qu’en 1784. Louis XVI juge l’œuvre dangereuse... Au lendemain qu’est le triomphe de la première, le 27 avril, il peut vérifier ne s’être pas trompé. Tout Paris répète certains propos de Figaro qui remettent en cause ce qui fonde la séparation de la société en trois ordres : clergé, noblesse, tiers état. Pourtant, la Révolution surprend Beaumarchais comme d’autres. En 1790, l’opéra Tarare dont il a écrit le livret et que Salieri a composé est repris en 1790. La suite, Le Couronnement de Tarare fait scandale. En revanche, La Mère coupable créée au théatre du Marais ne rencontre pas le succès. Ses déboires sur la scène ne sont pas le premier souci alors de celui qui s’acharne à fournir à la République les fusils qui lui manquent. Beaumarchais est emprisonné en 1792. S’il échappe aux massacres de septembre et parvient à s’enfuir, s’il quitte la France en juin 1793, c’est pour l’exil en Allemagne. Inscrit sur la liste des émigrés, il ne peut rentrer qu’en 1795. Sourd, il ne se soucie que de marier sa fille Eugénie et de refaire fortune. Au lendemain d’un dîner avec des amis où il avait évoqué quelques souvenirs, le serviteur de Beaumarchais le découvre mort dans son lit. A soixante-sept ans, dans la nuit du 17 au 18 mai 1799, il vient de mourir d’apoplexie.