Paradoxalement, les deux ouvrages qui valent sa gloire à Montesquieu sont lun et lautre « anonymes » : Les Lettres persanes paraissent en 1721, sans que soit mentionné le moindre nom dauteur. Quant à LEsprit des Lois quédite, à Genève, léditeur Barrillot, en 1748, il paraît sans nom dauteur encre et sans même la date. Reste que ces uvres dun homme qui a pour parrain un mendiant, parce que son père veut quil se souvienne toujours que les pauvres sont ses frères, reste que cet homme, qui est reçu conseiller au Parlement de Bordeaux le 24 février 1714, qui a publié des Mémoires sur lécho comme sur les maladies des glandes rénales ou sur la transparence des corps, change fondamentalement le regard que le siècle porte sur lui-même, sur son temps, sur la civilisation. Les Orientaux imaginaires des Lettres persanes mettent en pratique un regard qui commence dêtre celui de la sociologie. Quant à LEsprit des lois, que le libraire réédite à vingt-deux reprises, en à peine un an, il devient le livre de chevet du roi de Prusse, Frédéric II, la justification pour Catherine II de Russie de sa politique autocrate ; le président américain Jefferson lannote et Marat en fait léloge. Vingt ans de rencontres, des années de voyage, de Naples à Augsbourg, de Cologne à La Haye, de Venise à Londres, lui ont permis délaborer le traité qui établit que le despotisme repose sur la crainte, la monarchie sur lhonneur, et la République sur la vertu ; ce traité préconise encore la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Cette exigence est inscrite dans La Constitution des Etats-Unis dAmérique. Les textes qui ont tenté détablir une monarchie constitutionnelle en France sen inspirent. Quel pressentiment a poussé le roi Louis XV à refuser à Montesquieu son agrément, lorsquil a été élu à lAcadémie française ?
A cette époque vivaient:
SAINT-SIMON, Louis de Rouvroy, duc de (1675-1755)
Ecrivain, il est lauteur de Mémoires célèbres;il y raconte les mille incidents de la vie à la Cour et y fait le portrait des grands personnages de son temps. Son style est imagéet puissant, mais la sûretéde son jugement est parfois gâtée par ses préventions nobiliaires.
MARIVAUX, Pierre Carlet de Chamblain (1688-1763?)
Ecrivain, auteur de parodies, rédacteur de journaux, il est ruinépar la banqueroute de Law et se consacre au théâtre. Il trouve, pour étudier les sentiments amoureux, une forme spirituelle un peu précieuse qui reçoit le nom de « marivaudage » :Arlequin poli par lamour (1720) , La Surprise de lamour (1722)... Le « marivaudage »exprime, à travers laspiration au bonheur, lambiguïtédes rapports amoureux.
LA CHAUSSEE, Pierre Claude Nivelle (1692-1754)
Auteur dramatique de lAcadémie française, il est le créateur de la « comédie larmoyante »:Le Préjugéà la mode, Mélanide.
GEOFFRIN, Marie-Thérèse Rodet, Madame (1699-1777)
Riche bourgeoise, elle tient un salon, à partir de 1749, très fréquentépar les philosophes, et subventionne la publication de lEncyclopédie.