Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!
ANNONCE DES AXES
ETUDE
I) Le mouvement d'élévation
- La structure du poème
Les deux premiers quatrains forment une phrase avec Q 1 des compléments de lieu qui évoquent la nature terrestre puis la nature céleste (introduites par les locutions "au-dessus" et "par-delà" repesées) et Q2 la principale avec adresse à" mon esprit ". Les rimes de ces deux quatrains sont importantes : QI " vallées " et " mers " représentent le bas tandis que "éthers" et "étoilées" représentent le haut = > on note une opposition de sens niais un rapprochement par la rime; Q: "agilité " et " volupté" représentent l'abstrait tandis que " onde " et " profonde " représentent le concret = > renforcement du sens avec
l'embrassement des rimes. Q3 continue cette adresse avec une exhortation à poursuivre ce mouvement puis avec les deux derniers quatrains, nous avons une généralisation sur le bonheur du poète dans ce moment: après l'exhortation, c'est la réflexion sur l'envol avec le passage de la deuxième personne du singulier … la troisième.
- L'envol
Champ lexical du mouvement "au-dessus", "par-delà", "meus", "agilité"‚ "sillonnes", "envoie-toi", "va", "air supérieur", "aile vigoureuse" ( métonymie), "s'élancé", "vers les cieux", "libre essor", "plane sur la vie".
Cet envol est aussi évoqué par l'allitération du [m] dans Q3 "miasmes morbides", "comme", "limpides" ) qui montre la lourdeur du monde terrestre, par l'assonance de [eu] dans Q4( "brumeuse", "heureux", "peut", "vigoureuse", "lumineux") qui montre la legato acquise par le poète.
==> un mouvement progressif qui part de la réalise terrestre et qui s'en éloigne progressivement; la courbe dynamique d'un entre qui réussit un arrachement libérateur "loin" des contingences matérielles, de l'ici-bas.
II) Un monde duel
On note une opposition entre le spleen et l'idéal
SPLEEN a IDÉAL
- Le monde de la matière: "miasmes" a Le monde de l'esprit: "esprit", "indicible"
- Le monde de l'ombre: "bois", "montagnes", "nuages" a Le monde de la clarté: "soleil", "éthers", "onde", "air", "limpides", "lumineux ", "feu clair"
- Le monde du désespoir: "ennuis", "vastes chagrins" a Le monde de l'espoir et du plaisir: "sereins", "heureux", "gaiement", "mâle volupté"
- Le monde de l'impureté: "chargent de leur poids" a Le monde de la pureté: "purifier", "pure et divine", "immensité", "profonde "
à Dans l'écartèlement entre le monde terrestre, terrain du spleen et le monde aérien de l'idéal, le poète arrive peu à peu à se libérer des contraintes terrestres pour accéder au bonheur, à montrer son aisance dans la vie ailleurs, et ce, grâce à l'écriture poétique.
III) La libération permise par le langage poétique
- Le rythme poétique au vers 1, le rythme renforce le parallélisme entre les deux parties du vers, construites sur la répétition de la locution " au-dessus ", cette répétition met en valeur les différents éléments du vers. De nombreux enjambements marquent l'envol (vers 7-8, vers 15-16, vers 19-20). La diergol du vers 10 (purifier) soutient l'élan et agrandit l'espace.
- Les comparaisons:
Elles ont pour rôle d'appuyer le monde de l'idéal : v " comme un bon nageur " pour l'esprit ; v11 : " comme une pure et divine liqueur" pour le feu; v 7 : "comme des alouettes" pour les penses. Ce monde de l'idéal est marque par les sensations‚ réelles et concrètes : le t de la nage le boisson et la vue des oiseaux.
Symbole de l'alouette : par sa façon de s'élever très rapidement dans le ciel ou de se laisser brusquement tomber, cet oiseau est un médiateur entre la Terre et le Ciel ; son envol le matin représente la joie manifeste de la vie, l'élan de l'homme vers la joie; c'est un oiseau de bon augure
- Une activité spirituelle:
Champ lexical : "mon esprit", "les pensers", "comprend" impératifs dans Q3. L'altitude amplifie l'intelligence du poète, son rapport...
La réalité: il peut alors interpréter tous les symboles, les mystères : " comprend sans effort / Le langage des fleurs et des choses muettes" v l9-20, retrouver les correspondances et servir de messager parce qu'il est libéré des contraintes terrestres (l'adjectif attribut "heureux" est mis en valeur par l'inversion au v. 15), l'isolement du distique final avec le tiret montre l'allégement du réel au profit de l'immatérialité des signes du langage.
CONCLUSION
Apres la chute douloureuse et humiliante de l'Albatros, le poète change de situation et découvre le bonheur du mouvement qui symbolise la vie(après l'immobilisation forcée sur le navire des hommes d'équipage). Ce bonheur est physique et spirituel, le poète est tout-puissant. Ce poème, qui se trouve au début de la section qui la condition du poète, est une profession de foi le mouvement du poème, des mots correspond au mouvement de l'esprit.
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