ENFANCE

Nathalie Sarraute, 1983

Incipit





Introduction

Dialogue entre elle et sa conscience
On ressent un conflit
Normalement un des topoï est la naissance or, ici, Nathalie Sarraute n'en parle pas
Pourquoi une des voix dit « il faut faire l'autobiographie » et l'autre dit « il ne faut pas » ?

Lecture du texte

Annonce des axes

Etude

I. Un texte déroutant

Le recours au dialogue permet à l'auteur de se dédoubler et est un écart par rapport à la norme. Le dialogue est mis en évidence par la topographie. Les paragraphes sont séparés par des blancs, et cela fait penser à un texte théâtral. Ces paragraphes sont précédés par des tirets ce qui renforce l'idée d'un dialogue.

La ponctuation comporte de nombreux points de suspension (étonnement, incapacité à aller au fond de sa pensée).
Il y a un jeu de questions-réponses. Les répliques sont de longueurs très différentes.
« Je t'en pris. » ligne 15
ligne 24 à 31 : passage très long

A une première lecture, on a du mal à identifier qui est le « je » et qui est le « tu ».

Nathalie Sarraute se dédouble et met en scène une des caractéristiques de l'écriture autobiographique où le narrateur raconte l'auteur. C'est-à-dire celle qui veut raconter ses souvenirs et celle qui interroge sur les raisons, les moyens de le faire, la nature des souvenirs même.


II. Un incipit qui remplit cependant sa fonction

Bien que cet incipit soit déconcertant, on y retrouve les éléments propres aux textes justificatifs de l'autobiographiques.

1) Le projet

Il est évoqué dès la 1ère ligne : « Évoquer ses souvenirs d'enfance » (à expression stéréotypée). Cette expression est reprise à la ligne 5 et à la ligne 13. elle a été annoncée par le « ça » initial, repris à la ligne 6.

Le « ça » est dépréciatif.

2) les motivations

Les interrogations répétées de la 1ère voix (ligne 1, 8, 10, 16) poussent l'auteur à s'interroger sur ses motivations.

Ce double personnage oblige aussi l'écrivain à préciser le choix d'une forme (commencer par la naissance et finir au temps de l'écriture ? Non.

Nathalie Sarraute choisit le tropisme d'une écriture.

3) le pacte autobiographique

Il est implicite puisque le destinataire (le lecteur) n'apparaît pas.
Le choix du dédoublement va garantir l'authenticité ; l'auteur ne va pas dire la vérité mais « donner forme à l'informe ».

4) l'enjeu

Pourquoi écrire cette autobiographie ? pour se justifier ?

Non, pour « fixer le souvenir, donner une existence à un passé fragile, morcelé, fuyant. »


III. Les difficultés du projet autobiographique

1) la 1ère voix

1er danger : écrire son autobiographie = entrer dans la banalité
le double va obliger l'écrivain à creuser ses motivations, à réfléchir sur son projet.
Il lui pose des questions :
ligne 1 « Alors, tu vas vraiment faire ça ? »
ligne 13 « Et pourtant ce que tu veux faire. « évoquer tes souvenirs ».est-ce que ce ne serait pas. »
ligne 16 « est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? »
ligne 23 « est-ce vrai ? Tu n'as vraiment pas oublié comment c'était là-bas ? »
ou il emploie des formules impératives ou impersonnelles qui poussent l'écrivain à s'interroger : ligne 3 « reconnais », ligne 16 « il faut se le demander »
Cette voix insiste sur le fait que l'autobiographie est un genre trop pratiquée, que c'est une entreprise banale, ce qui st suggéré par « évoquer tes souvenirs d'enfance » et « ça ». Elle insiste sur le fait que c'est un genre stéréotypé, « tout cuit » (ligne 43), « donné d'avance » (ligne 43).

Le double insiste aussi sur le 2ème danger : écrire ton autobiographie, c'est être infidèle aux textes antérieurs, c'est en quelques sortes démissionner. (ligne 17 : « te ranger »)
L'autobiographie serait un aboutissement, un passage obligé pour un auteur, une rupture par rapport aux ouvres antérieures.
Pour Nathalie Sarraute se serait une rupture avec l'impersonnalité, l'originalité esthétique et le refus du psychologisme.

3ème danger : le double semble craindre aussi qu'un tel projet soit une marque d'un affaiblissement, d'un retour en enfance : ligne 10 « c'est peut-être que tes forces déclinent... »

Bilan :

- doute sur l'utilité de la démarche
- crainte d'une infidélité à ce qu'on est
- crainte de tomber dans un genre stéréotypé.

2) la 2ème voix

A toutes les craintes, l'écrivain va répondre soit pas des négations (ligne 11 « non, je ne crois pas. ») soit par des supplications (ligne 15 « Oh, je t'en prie. ») Elle montre que malgré son âge, elle garde ses capacités créatrices mais surtout qu'elle garde le même mode d'écriture.
A chaque nouvelle création, elle a les mêmes craintes.
Ligne 35 : « toujours cette même crainte », « elle revient chaque fois »
Ainsi elle va rester fidèle à ce qu'elle a été en particulier dans son choix de l'écriture.
Ligne 26 : « tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant. » donc écrire s'est se tendre.
Elle emploie des mots qui suggèrent la fragilité :
Ligne 46 « c'est encore tout vacillant »
Ligne 47 « aucune parole ne l'ont encore touché »
Ligne 47 « il me semble que ça palpite faiblement »
Ligne 50 « des petits bouts de quelque chose d'encore vivant »
Elle veut conserver à ses souvenirs un aspect informe : ligne 37 « quelque chose d'encore informe »
Ce qu'elle veut capter c'est justement ce qui n'a pas encore été dit.
Ligne 46 « aucun mot écrit, aucune parole ne l'a encore touché »
Ligne 39 « ce qui tremblote »
Elle a la certitude que rien n'est vraiment cernable, que tout s'enfuit.
Elle veut conserver ce qui « fluctue, se transforme, s'échappe, se dérobe » (ligne 24).
Ligne 28 « tu l'agrippes comme tu peux, tu le pousses »
Elle ne veut pas restituer un passé « fixé une fois pour toutes » (ligne 43), « donné d'avance » (ligne 44) mais dire ses émotions, faire renaître les sensations.
Ainsi il ne s'agira pas d'un récit centré sur les faits mais sur quelques choses de plus fragile, de plus indicible.
Les répliques inachevées montrent la difficulté de l'entreprise. Aucune des deux voix n'a de certitudes.

Bilan :

- pas une narration dirigée, linéaire
- pas motivée ni par la vieillesse, ni par le besoin de faire un


Conclusion

- elle veut faire ressurgir des fragments
- elle fait le choix d'une forme nouvelle : le discontinue
- elle garantit l'authenticité de sa démarche par la double voix
- Comme dans « Tropismes », elle va nommer l'innommable.





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