Julie ou La Nouvelle Héloïse

Origine :

- Expérience affectueuse de Rousseau (Sophie d' Houdetot et St Lambert) en 1756/1757 ? Julie et St Preux.
- Roman s'appuyant sur les théories sociales de Rousseau : le citoyen est un homme de devoir et de vertu. Le roman est la coexistence de la passion amoureuse et de la vertu ; la passion s'exprimant avec bienséance et pudeur. Le village de Clarens : concrétisation fictive d'une petite société avec 2 valeurs : vertu + respect d'autrui (= utopie ).
- Roman sentimental à la mode -> "courant sensible " (préromantique ) :
. capacité à exprimer des émotions, de la passion.
. " bons sentiments " (Diderot : Le drame bourgeois ). Le roman épistolaire : épanchement lyrique à travers les lettres.
. Illustration d'une idéologie morale, religieuse, sociale = célébration de la sensibilité ? connaissance, compréhension et respect.

Structure du roman :

1. 65 lettres : St Preux est précepteur de Claire et Julie à Clarens. St Preux est amoureux de Julie. 2. 20 lettres : St Preux part à Paris avec Milord Edouard. Il entretient une correspondance avec Julie. 3. 26 lettres : Claire se marie "de raison ", sa mère meurt. Julie se marie aussi avec M. de Wolmar. St Preux part voyager. 4. 17 lettres : St Preux revient et résiste à la tentation de Julie. 5. 14 lettres : Vie tranquille à Clarens, temps des vendanges. Conversations sur la religion,… Julie est très croyante alors que M. de Wolmar est plutôt sceptique. 6. 13 lettres : Claire devient veuve, Julie demande donc à St Preux d'épouser Claire pour qu'il soit heureux. Julie meurt à son tour mais St Preux refuse toujours d'épouser Claire.



Introduction

     Julie ou La Nouvelle Héloïse est un roman d'amour contrarié, par lettres à plusieurs voix. C'est aussi une réflexion sur un projet de société, proche de la nature. Rousseau s'inscrit dans un certain courant avec Thomas More (Utopia), Voltaire (métairie de Candide) et Rabelais (Abbaye de Thélème de Gargantua). Dans la lettre VII de la 5ème partie, St Preux raconte le déroulement des vendanges, la fête et la joie de vivre dans une tonalité élogieuse. Cependant derrière cette éloge, on remarque que les distinctions sociales ne s'estompent pas.
     Nous étudierons d'abord cette société joyeuse, puis ce qui la rend exemplaire et enfin, le message social et politique de Rousseau.


Lecture du texte

Etude

I. Une petite société joyeuse :

• La fête :
  - " Saturnales " (l.30) : évocation et comparaison avec l'antiquité.
  - " plus agréables et plus sages " : comparatifs de supériorité.
  
  
• Les comportements :
  - " On chante, on rit " (l.1) : valeur universelle du " on " ? tout le monde
  - " toute la journée " (l.1 et 2) : tout le temps, intensité de la fête.
  - l.15, 16 et 17 : phrases exclamatives exprimant mieux l'émotion et les sentiments.
  - " gaiement tous ensemble " (l.25) : pas de rivalité.
  - " on s'agace mutuellement " (l.5 et 6) : familiarité du ton et des relations -> " la plus grande familiarité " (l.2) : superlatif + tout = effet d'insistance.
  - " aux vignes toute la journée " (l.7) : la joie estompe le travail et la fatigue. Les comportements de chacun modifient l'horreur du travail.
  
  
• Un récit élogieux :
  - l. 15, 16 et 17 : ces phrases exclamatives mettent en valeur la qualité des hommes. Les villageois sont " bons ", les enfants " bienheureux " + " excellents légumes " (l.11) : description positive.
  - " vous ne sauriez concevoir " (l. 1) : expression hyperbolique.
  
  

Transition : Nous voyons là deux mondes rapprochés dans un tableau idyllique (" tout ", " on "). Après avoir décrit cette société festive, nous allons montrer ce qui la rend exemplaire.


II. Une société exemplaire :

• Une société sans hiérarchie :
  - " union ", "mutuellement " (l.5 et 6).
  - " familiarité ", " égal ", " personne ne s'oublie " (l.2 et 3) : tout le monde a son importance et respecte l'autre.
  - " dames sans air " ? " paysannes décentes " (l.3) : égalité entre les paysans et les bourgeois.
  
  
• Un certain respect mutuel :
  - " On passe aux vignes toute la journée " (l.6 et 7) : toute la journée est passée avec les paysans ; la vie rustique est partagée.
  - " On ne ricane…rustauds " (l.10 et 11) : respect des paysans, pas d'orgueil.
  
  
• Une simplicité naturelle :
  - " toute la journée ", " vignes ", " cabane " (l.7) : simplicité de la vie aux champs et dans l'habitat (" loge ").
  - " légumes ", " soupe " (l.9 et 10) : nourriture simple.
  - " bonne ", " saine " (l.10), " vignes "(l.7) : les vignes et les légumes sont des produits de la terre.
  - " la serpette et la houe " (l.18) : instruments simples.
  
  

Transition : Cet état de nature insiste sur le respect et la simplicité, ce qui traduit une harmonie sociale.


III. Un message politique et social :

• Un état provisoire :
  - " les vendanges " : moment donné, temps limité.
  - " cabane " : construction non définitive.
  - " à leur heure " (l.9) : chacun à son heure, emploi du temps qui n'est pas commun. " on vit à leur rythme ".
  Cette société ne peut pas perdurer car son état est lié à des circonstances.
  
  
• Un certain paternalisme :
  - Énumération des différences hiérarchiques et ecclésiastiques ? entraîne divisions et intolérances.
  - " complaisances " (l.13) : complaisances pour les paysans ? idée de supériorité. Relation parents - enfants entre les visiteurs et les paysans.
  - " Agrippine ", " Germanicus " (l.20) : connotation historique qui rappelle la notion de pouvoir entre " Agirppine " et les troupes.
  - Le message de Rousseau paraît difficile à croire. Il est dur de faire abstraction de l'utopie, de l'inégalité de cette société.
  
  
  

Conclusion

      Ce texte nous présente une société dont le fonctionnement est apparemment équitable mais l'épisode des vendanges fait apparaître un écart entre une réalité possible et une réalité idéale fabriquée par l'écrivain. Il est difficile d'échapper à l'ordre social, il est difficile de faire correspondre la réalité et l'apparence. On retrouvera ce problème dans " Les Confessions ", qui expriment la personnalité complexe de Jean Jacques Rousseau.