L’illusion Comique

Corneille - 1635

ACTE II, scène 2






Introduction

      Durant le XVIIème siècle, deux mouvements cohabitaient : le baroque et le classicisme. Le Baroque est moins strict du point vue de l’écriture par rapport au classicisme ; le non respect des trois unités, de la bienséance et bien d’autres. Dans la scène 2 de l’acte II, on note l’arrivé d’un personnage égocentrique et vantard nommé Matamore. En quoi ce personnage emblématique fait-il partie de l’illusion théâtrale ? Tout d’abord Matamore nous est présenté comme un être superficiel, personnage du paraître qui n’existe que parce qu’il raconte. De plus cette illusion est renforcée par le comportement de Clindor qui en réalité domine son Maître.

Lecture

Annonce des axes

Etude

I – MATAMORE, UN PERSONNAGE DU PARAÎTRE

1 Matamore fait son propre éloge

- énonciation : pronoms et adjectif à la 1er personne = tournure anaphorique : égocentrisme mis en avant.
- Champ lexical du pouvoir et de la destruction > Matamore fait son éloge
- Opposition singulier/pluriel => Matamore se compare au monde entier (vers 320, 323 et 325), montrant sa puissance et sa supériorité

2 Ridicule de ses propos

- Procédés hyperboliques : lexique mélioratif renforcé par la versification, terme élogieux à la rime.
- Propos trop exagérés => ridicule et invraisemblables.

3 Personnage superficiel

- longueur des répliques disproportionnées, il n’existe que par ce qu’il raconte => c’est un personnage de fiction théâtrale.

Transition : L’illusion que Matamore se fait de lui-même est renforcée par une autre illusion : celle que Clindor donne de Matamore.


II- DOUBLE JEU DE CLINDOR

1 - Clindor, acteur, spectateur et metteur en scène

- Mode injonctif à 2 reprises : Clindor mène le discours de Matamore. Malgré ses courtes répliques, il domine son maître.

2 - Complicité avec le spectateur

- Enchaînement des répliques (vers 338 et 339) avec répétition du conditionnel => moquerie, en flattant son maître le rendant encore plus ridicule = ironie.
- Assonance monosyllabique à modalité interrogative, oblige Matamore à se justifier devant sont valet.


Conclusion

      Dans cet extrait nous avons donc pu observer que Matamore est un personnage victime d’une double illusion : sa propre illusion et celle que Clindor lui donne. Cet extrait permet également une réflexion sur la mise en abyme qui décuple les capacités de l’illusion théâtrale. Matamore, l’illusion et la mise en abyme ne sont-ils pas dans la pièce des éléments majeurs et incontournables de l’éloge théâtrale ?



AUTRE ETUDE

Introduction

      On rencontre deux nouveaux personnages : Matamore, vantard et peureux qui surrenchère ses exploits, Clindor, ironique. Matamore se refuse à l’affrontement avec Adraste ce qui met en doute sa valeur guerrière et son amour. Il se présente comme un héros mais l’invraissemblance des exploits qu’il s’attribue le tourne en ridicule/comique. C’est un personnage héroi-comique issu de la comedia dell’arte. Tout en contant ses exploits, il ne peut affronter son rival. Est-on dans l’illusion ?


I - Matamore

Il incarne le rôle du miles gloriusus. Les termes de «vertus…juste fureur…valeur… perfections» renvoient à l’image d’un héros tragique. C’est une ammorce de discours héroïque ici parodié car le passé se raccroche au mythe dans l’imaginaire du personnage et non dans la réalité du vécu du personnage. Il se dévoile en deux mouvements de la scène :
- vantard par la parole
- peureux par le geste
Son emphase hyperbolique marque l’invraisemblance des conquêtes de Matamore qui se dégagent du coté épique de son discours : «contemple 2 fois (anaphore à l’hémistiche), race, abattus, périe, deserte, souffre (qui marque son dédain), détruit (qui marque la violence), vers 13 les déserts découlent de sa puissance guerrière».
Le pluriel des actions héroïques sur les deux continents accentue sa simili-puissance qui entraîne l’effroi. L’héroïsme est parodié car on touche à l’invraisemblance. Matamore confirme sa vantardise en affirmant que même les Dieux sont asservis à sa force et à sa puissance sur toute la Terre.
La deuxième partie nous renvoie un autre personnage : quand il se retrouve dans une situation concrète il a d’abord peur : «où vous retirez vous ?» (jeu de scène). Il fuit devant le rival. Son mouvement de retrait s’oppose à la réplique de Clindor : « revenons à l’amour». C’est un personnage qui a peur de la querelle.
Tout ce qu’il prête à son rival renvoie à ce que Matamore est réellement. C’est le miroir de ses propres incapacités.
Il passe du passé au conditionnel qui a pour rôle de projeter dans le futur (c’est un temps qui présente un énonciateur second dont le point de vue est différent de celui du premier).
Le présent symbolise la peur de Matamore qui veut fuir alors que le conditionnel présente un Matamore vantard qui se prête des qualités qu’il n’a pas, il retourne dans l’illusion.
Il détruit le discours héroïque par l’emploi de ces deux temps qui le font passer d’un personnage à un autre et il fait de même apparaître un personnage comique.

Matamore n’est que le fantôme de ce que sera Rodrigue dans le rapport avec l’exploit guerrier. Matamore est dans le paraître tandis que Rodrigue est dans l’être. Matamore vit dans l’illusion de son personnage. C’est une illusion dans l’illusion théâtrale. Matamore se met en scène et ce qui accroît la théâtralité de son illusion. Tandis que dans le Cid, le coté illusoire est supprimé, le personnage colle à son être : on passe à la tragédie grâce à la vraisemblance des faits.


II - le couple farcesque Matamore/Clindor

Matamore est le miles glorisus alors que Clindor est le servus currens (attaché à son maître)
Clindor entre dans le jeu de son maître, il va le louer (valeur, rare…) ; il s’amuse de sa vantardise et le pousse à des justifications mais la couardise de Matamore apparaît dans l’image hyperbolique de sa réaction. Il veut le piéger et l’acculer à certaines réactions. Il a un double rapport avec son maître : un premier rapport de servilité et déférence (sans être dupe, il rentre dans le monde illusoire et fantasmatique de son maître) et un second de spectateur lorsqu’il lui dit «revenons à l’amour» et «comme votre valeur, votre prudence est rare» ou il emploie un ton des plus ironique.


Conclusion

L’action ne progresse pas du tout sauf l’amorce d’une vague intrigue amoureuse, où l’amoureux d’Isabelle est présenté comme un rival.
Alcandre présente le personnage de Clindor aux yeux de son père et de ceux du spectateur. On se demande quelle est la fonction de Matamore. Il y a un effet de surprise lorsqu’on découvre Clindor en valet. C’est une scène de pure comédie où la théâtralité est très forte. Les personnages sont traditionnels. Cette scène a un caractère fictionnel de la réalité que Primadant croit voir. Les frontières entre réel et illusion sont brouillées.




Retourner à la page sur L'illusion comique !
Retourner à la page principale !


Merci à ceux qui m'ont envoyé ces fiches...