A) L'œuvre :
C'est un roman épistolaire entre un groupe d'aristocrate dont le Vicomte et la Marquise de Merteuil, des libertins et des anciens amants. Dans ce roman Laclos dénonce l'immortalité du libertinage, les jeux cyniques de séduction, les perversités du milieu privilégié se faisant un loisir de jouer avec les sentiments des autres.
Les deux personnages sont liés par un pacte, si Valmont conquiert la Présidente de Tourvel la Marquise lui offre en récompense de redevenir sa maîtresse.
B) Situation du passage de l'œuvre :
La lettre 125 est un véritable communiqué de victoire et Valmont y fait le récit de la manière dont il a réussi à vaincre la Présidente. Valmont annonce triomphalement son succès à sa complice, il lui décrit sa stratégie amoureuse qui est un art de la conquête et du combat.
Parallèlement Valmont laisse deviner ses sentiments. Malgré lui il dit à quel point il a été heureux et sensible aux charmes de Mme de Tourvel. Le libertin qui a pris au piège est lui-même pris au piège de l'amour.
La lettre pourtant cynique et libertine est en même temps révélatrice d'une joie que Valmont n'avait pas prévue et qu'il avoue sans s'en rendre compte.
C) Axes de lecture :
1° L'amour : un champ de bataille
a) Les défenses et les difficultés rencontrées
b) La stratégie militaire
c) La fierté du vainqueur
2° Les sentiments inavouables de Valmont
a) La découverte d'un trouble
b) L'expression du bonheur
PARTIE 1 : L'AMOUR, UN CHAMP DE BATAILLE
Valmont assimile l'amour à un art de la conquête et du combat. Mme de Tourvel est présentée ici comme une forteresse qu'il va réussir à conquérir à la suite de nombreuses batailles.
A) Les défenses et les résistances de Mme de Tourvel :
Valmont après de nombreux échecs décrit la résistance acharnée de son adversaire. On note un champ lexical de la résistance. Ce lexique peut être rattaché à un champ lexical plus général de la guerre. D'ailleurs les mots "conseils" et "rapports" (l.24) font allusion aux difficultés rencontrées. En outre le terme "timidité" est complété par le terme "fortifié" (l.25) qui lui aussi renvoi au vocabulaire de la défense. En plus, on a une énumération de la ligne 23 à 27 de ce qui a rendu la victoire difficile.
La femme est présentée comme une forteresse qui se défend.
Les difficultés tiennent aussi à la faiblesse de l'assaillant. Le vicomte y fait référence à deux reprises : l.14, il s'inquiète d'être "maîtrisé comme un écolier", l.33,34 il évoque le risque de dépendance.
B) La stratégie militaire :
Le vocabulaire évoque le dénouement d'un véritable combat et ce jusqu'à la victoire finale.
A la ligne 15, le verbe "combattre" à deux sens, il faut combattre et ses sentiments et son adversaire. A la ligne 20, on observe qu'il fait preuve de détermination pour assurer le succès de ce qu'il appelle "les démarches" et "poursuites" des lignes 24 et 25.
Un vocabulaire plus explicite encore fait de l'amour un véritable champ de bataille : il parle de "campagnes pénibles" et de "savantes manœuvres".
Enfin, l'issue de ce véritable combat est mise en relief par un champ lexical de la conquête victorieuse : "vaincue", "vaincre", "triomphe", "succès", "dû à moi seul" et "gloire".
De plus un vocabulaire militaire sert de manière générale à présenter toute conquête amoureuse : emploi de formules généralisantes : "elle", "on" et "tant d'autres". D'ailleurs la multiplicité des expériences de Valmont est traduite par les pluriels indéfinis "la foule de femmes" et "mes autres aventures".
Conclusion : L'utilisation du vocabulaire militaire associé à l'amour montre que Valmont fait de sa vie une succession de conquêtes. Tout ce passe comme si Valmont ne pouvait plus concevoir les relations humaines qu'en termes de domination, de compétition et de victoire.
C) La fierté du vainqueur :
Son sentiment de réussite, de satisfaction s'exprime tout d'abord ligne 1 (ton hâtif) avec le présentatif "voilà" qui met en relief cette victoire, "donc" souligne les efforts qu'il a dû accomplir. On observe une tonalité exclamative qui exprime son ivresse de triompher.
Sa fierté s'exprime également à travers la comparaison faite entre Tourvel et les autres. Un parallélisme entre "la foule de femmes" et "ici au contraire" ainsi qu'un autre parallélisme entre "simples capitulations" et "victoire complète" insistent sur ce point.
CONCLUSION : Valmont se présente comme un conquérant victorieux, fanfaron, suffisant. Cependant ce communiqué de victoire n'empêche pas l'apparition de sentiments. Le libertin cynique et impitoyable semble trahir le plaisir de cette conquête toute particulière.
PARTIE 2 : LES SENTIMENTS INAVOUABLES DE VALMONT :
Malgré son ton triomphal, son refus des sentiments Valmont semble s'être attaché aux charmes de Mme de Tourvel.
A) La découverte d'un trouble :
Ce trouble est exprimé par un champ lexical renvoyant à la surprise et à l'étonnement : "je m'étonne", "charme inconnu", "femme étonnante", "le trouble et l'ivresse", "cependant le même charme subsiste" et "sentiment involontaire et inconnu".
De plus l'étonnement est renforcé par les interrogations (l.4 à 10). Elles montrent que Valmont dialogue avec lui-même parce qu'il cherche à comprendre l'émotion qu'il ressent et qu'il refuse de considérer comme de l'amour.
Ce trouble crée un conflit en lui d'où son état d'incertitude remarquable par l'emploi du conditionnel aux lignes 10,11 et 13 ainsi que par des adverbes d'oppositions : "et cependant" l.12 et "sinon" l.14.
Valmont ne comprend pas pourquoi il a été si ému, si touché car un séducteur comme lui ne peut tomber dans un état de faiblesse et ne peut avouer son amour.
La singularité de Mme de Tourvel qui mettait en valeur sa victoire est en fait ambiguë car elle fait de cette femme une femme unique et à part.
B) L'expression du bonheur :
Son bonheur et lui aussi ambigu : il est celui de la victoire mais aussi celui de ses sentiments amoureux naissants. Ex : l.3, il évoque son bonheur de façon spontanée mais il se défend aussitôt d'éprouver de l'amour l5.
On note cependant l'enthousiasme heureux de l'expression "oui, mon amie, elle est à moi, entièrement à moi" de la ligne 2 (répétition de "à moi" avec un effet de gradation). De même Valmont se trahit en revenant sur l'exploit et en le détaillant.
CONCLUSION : La lettre 125 est à la fois une preuve de sa victoire et une preuve se son échec puisqu'elle est un aveu implicite de son attirance pour Mme de Tourvel. Valmont est piégé puisqu'il ne respecte pas une règle fondamentale du libertinage, celle qui consiste à ne jamais laisser apparaître ses sentiments.
BILAN :
Cette lettre est équivoque. La métaphore guerrière exprime la conquête amoureuse, nous présente un libertin séducteur : il s'agit d'une conception cruelle, cynique et égoïste. Cependant Valmont n'est pas qu'une force d'hypocrisie et de cynisme. Il se montre vulnérable, capable d'être touché par l'amour même s'il refuse de le reconnaître.
Merci à Margot qui m'a envoyé cette
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