LE MONDAIN





I) Introduction :

 A) Forme du texte :
   Le texte est un poème formé de décasyllabes. La disposition des rimes est souvent croisée (v.15 à 20). Des vers 1 à 4 les rimes sont embrassées et des vers 5 à 8 les rimes sont plates.

 B) Contenu du texte :
   Ce poème prend à contre-pied les croyances, les valeurs religieuses qui fondent l'idée du bonheur sur l'austérité et le sacrifice. Avec fantaisie et humour et même un certain désir de provocation il trace le portrait de son époque (âge de fer) qu'il représente comme l'âge des plaisirs et du luxe (positive).
Conséquence : les images de l'âge d'or sont dénigrées, dévalorisées car il célèbre son temps en s'attachant à ce qui fait son abondance et en représentant des satisfactions que ne renierait pas un bon vivant.
Ainsi le Mondain est hymne à la vie et aux plaisirs.

 C) Axes de lecture :
  1° L'apologie de l'âge de fer
     a) la critique de l'âge d'or
     b) l'éloge du luxe, des plaisirs et du progrès
  2° Une nouvelle idée du bonheur


PARTIE 1 : L'APOLOGIE DE L'AGE DE FER :

 A) La critique de l'âge d'or

   Voltaire commence par une évocation apparemment élogieuse de l'âge d'or. Des vers 1 à 4 il emploi des expressions positives sur cet âge, une anaphore de "et" et un effet de polysyndète (lorsqu'on a une multiplication des liens de coordination) ce qui crée un rythme vif, alerte, dynamique qui énumère les symboles de l'âge d'or. C'est une atmosphère euphorique.
   Cependant, dès le 5ème vers, il accorde nettement sa préférence à "cet âge". Cette préférence est mise en relief par l'opposition entre "qui veut" (v.1) et "moi, je" (v.5) qui est une figure d'insistance sur la première personne car elle est en début de ce vers ce qui la met en valeur.
   Les caractéristiques de l'âge d'or ne sont données que plus loin (v.30 à 43) et sur un ton de moquerie, de raillerie, de persiflage. Voltaire parle d'état "d'innocence" (v.31) mais il l'associe à une sorte de puérilité car l'expression "nos bons aïeux" (v.31) connote un ton protecteur et peut-être de l'ironie. Il renvoi aussi à un état d'austérité et de dénuement mais Voltaire montre qu'il ne s'agissait aucunement d'austérité ou de sacrifices voulus. On remarque le jeu de questions réponses au vers 33. L'insistance sur les négations souligne des manques naturels qui ne donne donc aucun mérite à l'abstinence.
 Ex : absence de vin, de mets fins, de métaux précieux, d'étoffes
   Voltaire se moque de la pseudo-vertu de ceux qui étaient vertueux sans pouvoir faire autrement. Cette vertu (frugalité et austérité) est pour lui sans mérite puisque inévitable aussi l'admiration de cet âge d'or est pour lui déplacé (v. 41). Voltaire démythifie l'âge d'or avec ironie et dérision, il détruit l'image idyllique ce ces ancêtres "vertueux".
   De plus à cela s'ajoute une célébration païenne de la nature et du bonheur terrestre.

 B) L'éloge de l'âge de fer.

   On l'observe à travers l'exclamation du v.21. Ce vers par son lyrisme admiratif annonce une ère de confort, de plaisir et de luxe.
   L'évolution de l'énonciation : l'engagement de Voltaire se traduit par l'emploi de nombreux adjectifs et pronoms de la 1ère personne (v.5 à 13). Le "Moi" est mis en relief ce qui montre que Voltaire parle pour lui. De plus sa volonté de persuasion est telle que la 1ère personne est vite relayée par le "nous" (v.16) qui généralise et inclus les destinataires.
   Ensuite les caractères de cette époque donne lieu à plusieurs énumérations qui crée un effet d'abondance et de diversité :
   C'est une époque de luxe : le mot apparaît 2 fois aux vers 9 et 20 t surtout il est renforcé par un champ lexical de l'abondance et de la richesse et emploi des termes au pluriel.
    C'est aussi une époque de plaisirs : le mot est employé 3 fois aux vers 10, 17 et 27. Il est renforcé par un lexique qui mêle plaisirs des sens et les plaisirs esthétiques. Voltaire fait des allusions aux arts et aux travaux.
   C'est une époque de progrès d'échanges et de nouveautés : le 3ème trait de cette époque est son modernisme (répétition de l'adjectif "nouveau" 2 fois aux vers 17 et 27. Les évocations de pays lointains , la référence aux navires ainsi que l'énumération des ports suggèrent une ouverture du monde au commerce, une intensification des échanges. Pour lui la diversité est toujours un facteur positif.

 Conclusion : L'éloge de cet âge de fer est enthousiaste : on observe de nombreux procédés d'insistance, des exclamations. C'est un éloge provocateur car il dévalorise un âge mythique. On note l'admiration de Voltaire pour les progrès de son époque et surtout il affirme une philosophie de vie opposée à celle défendue par la religion.


PARTIE 2 : UNE NOUVELLE CONCEPTION DU BONHEUR :

   Ici Voltaire écrit un hymne aux plaisirs du monde terrestre ce qui à l'époque était un discours subversif (renverse le système de valeurs de l'époque). Dans ce texte on voit donc apparaître une nouvelle idée du bonheur.
   Le bonheur est tout d'abord exprimé par l'expression lyrique du poème. La tonalité générale est celle de l'enthousiasme qui se traduit par un rythme vif, dynamique :
     Tout d'abord les décasyllabes forment une succession de propositions brèves. De plus ce rythme est très varié à l'intérieur des vers : v.10 binaire, v.11 ternaire, v.12plus neutre. Les coupes sont très variées (ex : V.5 1/9, v.11 4/2/4).
     Ensuite on a des énumérations aux vers 10,11,17,18 et 25 qui créent un phénomène d'accumulation.
     Enfin les exclamations des vers 21 et 36 semblent être un véritable cri de ravissement et de satisfaction.
     La modalité interrogative (v.29,33,41,43) participe aussi à la vivalité du texte. Le poète semble parlé avec naturel.
   La conception de ce bonheur : Le bonheur insiste sur l'aspect matériel des plaisirs. C'est un libertinage modéré, vertueux. Voltaire parle d'honnêteté (au 18ème : perfection). Voltaire associe en effet le goût du luxe des plaisirs et une notion morale (honnêteté). Cet aspect est mis en relief au vers 12 ("tout honnête") il généralise cette idée avec l'emploi de l'adjectif indéfini "tout" et présente ainsi une humanité exemplaire, idéale. Il ne prône pas la débauche, ni le relâchement des mœurs. Il propose un équilibre entres les plaisirs et la vertu, son modèle serait un épicurisme modéré.


BILAN :

   Voltaire situe l'homme dans la perspective de son épanouissement ici-bas. Pour lui, ce qui est choquant à l'époque, la recherche du bonheur terrestre l'emporte sur l'attente du Salut Eternel. Ce texte est provocateur, insolent, libertin car il contredit la conception du bonheur propre à la religion. Il se moque des dévots et de tous les nostalgiques d'un bonheur ancestral. Il invite à un libertinage qui ne perd pas de vue la morale (à la différence de ce que propose Sade et Laclos).


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Merci à Margot qui m'a envoyé cette fiche...