LES MOTS

De "Sur les terrasses du Luxembourg, ..." à "... par le massacre de cent reîtres."




Introduction :

   Dans "les Mots" en 1963, Sartre tente de répondre à la question "Comment suis-je devenu écrivain?".
  L'œuvre autobiographique vise ici à montrer la construction d'une image de soi, d'un projet.
 L'adulte philosophe raconte avec autodérision comment se fabrique un écrivain.
A la fin de la première partie de cette autobiographie ("lire") Sartre évoque sa vie d'enfant imprégnée de ses lectures. Les livres sont devenus une véritable religion pour lui, mais "il y avait ne autre vérité": il est incapable de s'intégrer aux autres enfants, il se sent exclu de leur univers et inférieur à eux. Le texte étudié se passe avec sa mère, et est une expérience réitérée mais toujours vaine, nous permettant d'analyser le malaise de l'enfant. A travers cette page, nous découvrons comment le monde protégé de la famille et des livres (I) va se heurter à la réalité (II), et obliger le jeune garçon à se découvrir aux autres (III).


Analyse :

I- Le monde protégé de la famille et des livres
Mêlant interprétation rétrospective et dialogue réel, Sartre met en scène sa mère.

  1)a) Une mère faible, aveuglée par l'amour maternel, qui trouve naturelle la petite taille de son fils, et qui visiblement a acceptés ses rêves fous.
    b) Une "mère poule": elle accepte avec joie que son enfant grandisse lentement
         =>Toutes les expressions excessives.
         Ce qui le rapproche d'un "jouet" de sa mère.
   c) Une mère aimante: "Les Schweitzer sont grands, les Sartre sont petits, voilà tout", que Sartre adulte se rappelle avec tendresse.
  Le "nous" final, la rapproche de Sartre, et partage sa peine.
  Mais elle va être le miroir qui renvoie au jeune Sartre l'image de son échec.

  2)L'écrivain se revoit enfant
Enfant plongé dans les lectures faites sur son "perchoir". Il s'idetifie au héros invincible des romans de capes et d'épées, ce qui amène une confusion rêve/réalité ("Pour avoir découvert le monde à travers le langage, je pris souvent le langage pour le monde")
Et lorsqu'il imagine l'interpellation qu'il souhaite entendre, c'est le nom de son héros favori qui se substitue au sien.
Son image de héros va se désagréger au cours du temps.


II- La confrontation avec la réalité
Les enfants ne l'interpelleront pas.

  1) Devant ceux qui son pour lui des "héros de chair et d'os", il éprouve tout d'abord un sentiment d'admiration et d'envie qu'exprime l'image "avec des yeux de pauvre" et la double exclamation hyperbolique au discours indirect libre "comme ils étaient forts et rapides! comme ils étaient beaux!"
  Sartre insiste sur le désir qu'éprouve l'enfant de participer, de partager les jeux des autres. Son humilité est telle qui l'en est a accepter des rôles de moins en moins glorieux (gradation => "… un mort, dans l'enthousiasme !")

  2) Cependant il est paralysé par la timidité.
  Ce sentiment provient toutefois de son orgueil (" je la suppliais de ne rien en faire"). Le texte est ainsi bâti sur le contrepoint de la scène réelle et de la scène rêvée (mi-triste, mi-amusé)


III- La découverte de soi par les autres
La scène, réelle, ce sont les autres qui la jouent.

  1)Les autres
  "Ses contemporains", en opposition à sa famille et aux livres sont ses "vrais juges", et le "condamnent" ("L'enfer, c'est les autres")
  Sartre ne peut cacher au autres ce qu'il est, rien.
  Le drame de l'enfant résulte du conflit entre ce qu'il croit et veut être, et la façon dont les autres le voient.

  2) Au lieu de l'admiration qu'il a l'habitude de susciter ("merveille"), au lieu de la curiosité mêlée de répulsion qu'inspire une créature bizarre ("méduse"), c'est l'indifférence ("ils me frôlaient sans me voir").
  On reconnaît ici un des thèmes Sartriens: les autres "nous" transforment en choses en niant la dimension intérieure qui fait, à nos propres yeux, notre valeur.
  De même, "un gringalet qui n'intéressait personne": il découvre qu'il ne sert à personne, que personne ne l'attend, il se rend compte de sa condition d'être vivant.

  3) L'enfant prend sa revanche en se réfugiant dans les livres.
  Sur son "perchoir"
  ", mes songes" => respiration
  Il imagine l'audace qu'il n'a pas eu dans la réalité.
  L'expérience se répète régulièrement ("toujours", "implorants", "exclus")
  L'imparfait omniprésent renforce la répétition.


Conclusion :

   La vivacité des commentaires et du récit ne peuvent dissimuler l'amertume de l'enfant. L'auteur nous laisse deviner sa douleur. Sartre n'accuse pas les autres, et ce qui est attristant n'est pas directement cité.
   L'auteur établit une séparation entre le passé raconté et le présent: on ne revit pas le passé, on cherché à le comprendre.
   Sartre observe ses souvenirs, ses expériences passées. Sartre assume sa vie passée; il l'a subie, et devient écrivain.

N.B. Le système des regards:
Le regard admiratif de l'enfant.
Le non-regard des autres enfants.
Le regard de Sartre sur lui-même.
Le regard extérieur (seul) et "amical" de la mère.



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Merci à Tim ( skayos@hotmail.com ) qui m'a envoyé cette fiche...