LA NUIT A LA BELLE ETOILE






(p. 236-37 ; de «l. 6488 «je me souviens » à «admirable » l. 6510)

Texte étudié :

  Je me souviens même d'avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville, dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône, car je ne me rappelle pas lequel des deux. Des jardins élevés en terrasse bordaient le chemin du côté opposé. Il avait fait très chaud ce jour-là; la soirée était charmante; la rosée humectait l'herbe flétrie; point de vent, une nuit tranquille; l'air était frais sans être froid; le soleil, après son coucher, avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l'eau couleur de rose; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient de l'un à l'autre. Je me promenais dans une sorte d'extase, livrant mes sens et mon coeur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m'apercevoir que j'étais las. Je m'en aperçus enfin. Je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres; un rossignol était précisément au-dessus de moi: je m'endormis à son chant; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour: mes yeux, en s'ouvrant, virent l'eau, la verdure, un paysage admirable.


Explication de texte

Plan

I – Conditions du bonheur

II – Expression du bonheur

Cet épisode fait suite à la rencontre des exhibitionnistes. Il va ici rendre compte de son bonheur de manière spontanée. Ce passage est descriptif avec l’usage de l’impératif et narratif avec le passé simple. Il découpe un moment et le raconte chronologiquement.

I – Conditions du bonheur

Le texte garde certaines imprécisions. La saison n’est pas explicite. Le lieu géographique n’est pas certain : Rhône ou Saône. Ce n’est pas le lieu qui est important mais les sensations qu’il va éprouver. On sait qu’il est «hors de la ville »dans un paysage malgré cela travaillé : « terrasses ». Les éléments naturels sont vagues : herbe, arbres, vent, rosée, terre… Les hommes sont absents et cela contribue à son plaisir malgré son «regret d’en jouir seul ». Ce moment est dénudé où rien ne vient le troubler seul le chant du rossignol (*berceuse) le berçait. On a l’impression que les éléments ambiants : t°, vent sont idéaux. Il a une espèce de perfection amplifié par la couleur rose de l’eau. Cette harmonie visuelle est renforcée par l’harmonie sonore.

Rousseau ne recherche pas un paysage original mais à nous raconter ses sensations telles qu’il les a éprouvées.

II – Expression du bonheur

L’idée de plaisir apparaît dès la 1ère phrase : délicieuse, charmante, douce, voluptueusement. Il est hors de lui : extase. L’idée de plaisir est reprise par le nom : « jouissance » et le verbe : « jouir ». Il se fond avec cette nature et est en accord complet avec la nature. Il va tout de même revenir à lui grâce à des verbes d’action : « promenais, m’en aperçus, couchai ». Il livre uniquement ses sens et son cœur. Il a également un autre élément de bonheur : il s’imagine dans un lit à baldaquin avec «le ciel de lit », «niche » qui évoque le caractère douillet et sécurisant, «les têtes des arbres » qui retienne le ciel du lit. Finalement il nous décrit un refuge maternel avec les rossignols pour berceuse. C’est plus qu’une simple nuit mais une renaissance. La naissance traumatisante où sa mère est morte devient ici une naissance avec une mère. Il est finalement heureux à la naissance.

Conclusion

Il associe ici la nature et le voyage. Rousseau est ici un romantique. A l’image des Confessions, le bonheur vécut lorsqu’il le remémore est peut-être plus fort à l’écriture qu’en réalité. Il communique aux lecteurs son plaisir. Il cherche peut-être plus fort à nous montrer son innocence, son caractère pur.


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Merci Céline qui m'a envoyé cette fiche...