LECTURE DU TEXTE
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui a tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supporte ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu'à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.
Ligne 1 à 5 : adresse de la prière à Dieu (en apparence)
Ligne 5 à 19 : contenu de la prière avec énumération des différents aspects de lintolérance en matière de religion.
Ligne 20 à 25 : appel aux hommes pour la paix et pour une union entre eux.
ANNONCE DE LA METHODE DEXPLICATION
Analyse thématique selon 3 axes :
1/ Une apparence de prière
2/ Une prière adressée aux hommes
3/ Un manifeste déisme
EXPLICATION THEMATIQUE DU TEXTE
1/ Une apparence de prière
a/ Présence de Dieu
- Ladresse de la prière à Dieu Ligne 1
- Il est interpellé à la 2me personne du singulier : " à toi " Ligne 1, " tu " Ligne 5, " devant toi " Ligne 10, " taimer " Ligne 13, " tadorer " Ligne 14, " tu sais " Ligne 18
- Linsistance sur les qualités de Dieu et sur linfériorité des Hommes :
qualités de Dieu : son universalité : " Dieu de ... " Ligne 1, sa générosité absolue : " à toi qui a tout donné " Ligne 3, sa puissance et son éternité " dont les décrets sont immuables comme éternels "Lignes 4 et 5, sa bonté : " ta bonté " Ligne 24, son omniscience : " car tu sais "Ligne 18.
Infériorité des hommes : la faiblesse : " faibles créatures " Ligne 2, " imperceptibles " Ligne 2, " nos débiles corps " Ligne 7, " les atomes appelés hommes " Ligne 10.
b/ Une demande
- Demande constante daide : " fais que " Ligne 6, " daigne " à limpératif. Lexpression " fais que " est suivie de plusieurs subordonnées au subjonctif Lignes 6 à 18
- Le contenu de la demande est propre à une prière puisquil renvoit à la compréhension, la tolérance entre les hommes et la fin des guerres.
- Demande humble qui souligne la soumission de lhomme devant dieu : " " sil est permis à de faibles créatures " Ligne 2, " oser te demander " Ligne 3, " daigne " Ligne 4
- Le rythme du texte est très ample : phrases très longues : Ligne 1 à 5, Ligne 5 à 19, Ligne 22 à 25.
2/ Une prière en réalité adressée aux hommes.
- Il y a une contradiction apparente entre ce destinataire et la forme quil a donné à ce texte. En réalité ce texte nest pas une vraie prière qui sadresse à Dieu, cest en fait un texte qui sadresse aux hommes.
- Evolution dans lutilisation des pronoms : de " toi ", " tu ", " te " (ladresse à Dieu) Ligne 1 à 5 à " nos ", " nous " Ligne 5 à 19 quon voit apparaître à plusieurs reprises (Voltaire et les autres hommes) puis " ceux qui " Lignes 12 et 15 et enfin dans la dernière partie du texte, il ne sadresse plus quaux hommes : " puissent tous les hommes se souvenir quils sont frères " Ligne 20 : La présence de Dieu disparaît peu à peu pour laisser place aux hommes.
- Il y a une insistance sur le comportement destructeur des hommes. Voltaire sadresse donc bien aux hommes à qui ces comportements sont spécifiques : " haine et persécution " Ligne 11, " haïr et égorger " Ligne 5 et 6, " nos lois imparfaites " Ligne 8 , " vanité " Ligne 18, " la tyrannie " Ligne 20, " le brigandage " Ligne 21, " les fléaux de la guerre " Ligne 22
- Ladresse qui est faite à Dieu est peu marquée il ny a que 2 verbes " daigne " et " fais que ". En revanche le contenu de la demande est très importante : " Ligne 5 à 19 " mais comme " fais que " nest pas répété, on a limpression que la demande est faite directement aux hommes à travers " ceux que " etc.
- Lexpression : " tu ne nous a point donné un cur pour nous haïr et des mains pour nous égorger " écarte la responsabilité divine pour mettre en avant celle des hommes. Dieu a donné des capacités aux hommes mais eux les utilisent mal.
Voltaire met en cause dans le texte la responsabilité des hommes dans leur manière de vivre entre eux.
3/ Un manifeste déiste.
a/ La condamnation des rites.
- La critique de la hiérarchie religieuse est très présente L ; 15 à 17. Voltaire reproche aux ecclésiastiques leur goût pour largent, la fortune et le pouvoir. Il utilise des périphrases pour désigner cette hiérarchie ecclésiastiques qui sont une manière de la refuser : " ceux dont lhabit est teint en violet " (évêques), " ceux dont lhabit est teint en rouge " (cardinaux), " quelques fragments arrondis dun certain métal " (argent), " un jargon formé dune ancienne langue " (latin) Lignes 14-15. Ces périphrases de plus, dévalorisent ce dont il est question : " jargon " Ligne 14, " petit tas de la boue " Ligne 16.
- Critique des rites multiples qui sont source de conflits entre les hommes : " ...lumière... "Ligne 11, " ...leur robe....manteau .... " Ligne 17 à 19, différence de vêtement, de langue Lignes 14 et 15. Toutes ces différences sont susceptibles dengendrer la haine entre les hommes. Lidée de division et dintolérance entre les hommes est mise en relief est mise en relief par la structure des phrases : " ceux qui.... ceux qui... " " haïr " Ligne 5 renvoit à lintolérance ainsi que " haine et persécution "Ligne11, " supportent " Ligne 12 et " ne détestent pas " Ligne 13. Selon Voltaire ces différences de rites sont insignifiantes : " ces petites nuances " Ligne 10
b/ Un Dieu indéterminé et universel
Voltaire ne sadresse pas au Dieu des chrétiens mais au Dieu de tous les hommes : " Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, de tous les temps "Lignes 1 et 2 répétition de tous., " à bénir également en 1000 langages divers " Ligne 24.
c/ Une exigence de compréhension entre les hommes
Pour Voltaire, la compréhension et la tolérance se situe sur un plan religieux mais aussi sur un plan social : " brigandage " Ligne 21, " guerre " Ligne 22. Voltaire voudrait que les hommes aboutissent à : " la paix " Ligne 23, " ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas " Ligne 22, " que nous nous aidions mutuellement " Ligne 6, " quils ne détestent pas " Ligne 13, " quils supportent " Ligne 12
Le déisme de Voltaire cest : la reconnaissance dune divinité, le fait quil faut dépasser des pratiques rituels, le rejet de toutes les formes de violence aussi bien sur le plan religieux que social.
CONCLUSION :
Le texte a la forme dune prière en apparence, en réalité le contenu de la demande du texte est adressé aux hommes. Le but de Voltaire est damener les hommes à une tolérance mutuelle sur le plan religieux et social. Cest un appel à la fraternité entre les hommes. Cest un texte qui développe également le déisme de Voltaire : condamnation de la hiérarchie et des pratiques religieuses qui divisent les hommes.
Ce texte fait parti du combat quont mené au 18ème
Siècle les philosophes pour la tolérance et le respect entre
les hommes.
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Merci à Marie de m'avoir envoyé cette
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